COUVERTURE DES PERSONNES DÉMUNIES AU CANADA PAR LE PCBMI EN 2023

5 septembre 2024

Résumé :  Statistique Canada estime que 9,9 % des résidents canadiens, soit 3 037 000 adultes, vivaient sous le seuil de pauvreté en 2022.  Si tous les clients du PCBMI aidés au cours de la saison de production de déclarations en 2023 avaient des revenus inférieurs au seuil de la pauvreté, cela signifie qu’au mieux 25 % ou 1 adulte sur 4 vivant dans la pauvreté a été desservi par le PCBMI.  Qu’en est-il des particuliers vivant dans la pauvreté en 2022 et qui n’ont pas bénéficié de ce service gratuit ?  Soit ils ont préparé leur déclaration eux-mêmes, soit ils ont payé quelqu’un d’autre pour le faire, soit ils n’ont tout simplement pas produit leur déclaration.

Nous supposons que l’Agence du revenu du Canada (ARC) souhaite à la fois réduire le nombre de non-déclarants et éliminer le coût de production d’une déclaration pour ceux qui peuvent le moins se le permettre.  Pourquoi ?  Parce que la production d’une déclaration est nécessaire pour que les personnes vivant dans la pauvreté puissent obtenir et maintenir leur admissibilité aux prestations fondées sur le revenu – qui contribuent à la réduction de la pauvreté – auxquelles elles ont droit.

Par conséquent, un accès plus large à un service gratuit est, en principe, souhaitable.  L’une des façons les plus évidentes d’y parvenir est d’étendre le PCBMI.  En effet, dans la Stratégie de réduction de la pauvreté 2018 du gouvernement fédéral, le PCBMI est identifié comme la contribution de l’ARC à la réalisation des objectifs de la stratégie.

Bien que le PCBMI ait souffert pendant la COVID, ses chiffres ont largement rebondi.  Il reste un moyen très efficace d’atteindre les personnes vivant dans la pauvreté à un coût relativement faible.  L’ARC pourrait redoubler d’efforts pour élargir de manière significative le PCBMI.  

Toutefois, après la pandémie, l’ARC semble avoir réduit son ambition pour le PCBMI.  L’ARC ne se fixe plus d’objectifs pour desservir un plus grand nombre de clients et, à l’heure actuelle, on ne sait pas exactement quels sont ses objectifs et ses engagements à l’égard de ce programme.  Elle semble plutôt concentrer ses efforts pour servir les Canadiens à faible revenu par le biais d’autres initiatives qui sont actuellement moins prometteuses que le PCBMI.

Dans quelle mesure le PCBMI de l’Agence du revenu du Canada (ARC) a-t-il servi efficacement les personnes vivant dans la pauvreté au Canada en 2023 ?

Pour répondre à cette question, nous examinons d’abord les données les plus récentes sur la pauvreté au Canada.

À la fin du mois d’avril 2024, Statistique Canada a publié l’Enquête canadienne sur le revenu de 2022.  Cette enquête comprenait les statistiques sur la pauvreté pour 2022, basées sur le seuil de revenu de pauvreté qui utilise la mesure du panier de consommation ou MPC.  (Il s’agit de la méthodologie utilisée par Statistique Canada pour établir le seuil de pauvreté officiel au Canada.)

Statistique Canada estime que le taux de pauvreté est passé à 9,9 % en 2022.[i]  Cela signifie que 3 037 000 adultes vivaient sous le seuil de pauvreté en 2022.

L’augmentation du taux de pauvreté, qui était de 7,4 % en 2021, n’est pas surprenante.[ii]  En 2022, le gouvernement fédéral a mis fin à tous les grands programmes de soutien au revenu mis en place en 2020 pour compenser les pertes salariales découlant du confinement lié à la COVID.  L’inflation, qui avait commencé à augmenter en 2021, s’est accélérée en 2022, érodant davantage le pouvoir d’achat.

Quelles ont donc été les conséquences pour le PCBMI ?

Le PCBMI est-il conçu pour servir uniquement les personnes vivant dans la pauvreté ?

L’ARC stipule que le PCBMI vise à servir les personnes à revenu faible ou modeste, et pas seulement celles qui vivent dans la pauvreté.  Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

L’ARC propose des plafonds de revenu que les organismes d’accueil peuvent utiliser comme points de référence pour déterminer l’admissibilité des clients.  L’ARC suggère que seuls les particuliers et les familles dont les revenus sont inférieurs à ces montants devraient bénéficier du service gratuit du PCBMI. Au cours des cinq dernières années, les plafonds de revenu proposés par l’ARC pour une personne et un couple ont été respectivement de 35 000 $ et de 45 000 $.  Comment ces plafonds de revenu se comparent-ils au seuil de pauvreté officiel ?

Le seuil de pauvreté officiel a augmenté très rapidement au cours des deux dernières années en raison de l’inflation.  En général, à mesure que le seuil de pauvreté a augmenté, il s’est rapproché du plafond de revenu suggéré par l’ARC.  Cependant, la réalité est un peu plus compliquée que cela.

Il existe désormais 66 seuils de pauvreté fondés sur la MPC, qui reflètent les coûts de la vie très différent dans les diverses collectivités qui composent le Canada[iii].  Les chiffres de 2022 pour le seuil de pauvreté vont d’un minimum de 43 022 $ (au Québec) à un maximum de 118 787 $ (au Nunavut) pour une famille de référence de quatre personnes (deux adultes avec deux enfants).

Cela se traduit par des seuils de revenu de pauvreté pour une personne et un couple de 21 511 $ et 30 115 $ respectivement s’ils vivent dans l’endroit le moins coûteux du pays.  En revanche, s’ils vivent dans l’endroit le plus cher au Canada, les seuils de pauvreté pour une personne et un couple peuvent atteindre respectivement 59 393 $ et 83 151 $.

Par conséquent, les plafonds de revenu suggérés par l’ARC peuvent être supérieurs aux seuils de pauvreté pour un particulier et un couple dans des régions à faible coût, mais inférieurs à ces seuils dans les régions à coût élevé au Canada.[iv] 

Bien que les plafonds de revenu proposé par l’ARC pour le PCBMI soient simplement suggérés, la plupart des organismes d’accueil semblent les respecter dans les régions où ils restent supérieurs au seuil de pauvreté officiel.  Lorsque le seuil de pauvreté s’approche du plafond de revenu suggéré par l’ARC, les organismes d’accueil ont utilisé leur pouvoir discrétionnaire pour augmenter les plafonds de revenu qu’ils appliquent pour sélectionner leurs clients.

Ainsi, un pourcentage croissant des personnes aidées par le PCBMI devrait avoir réellement besoin de ce service gratuit car elles vivent dans la pauvreté.  Mais il est toujours possible pour le PCBMI de servir des personnes et des familles à faible revenu qui ne vivent pas dans la pauvreté.

Nous sommes maintenant prêts à répondre à la question que nous avons posée au début…

Dans quelle mesure le PCBMI a-t-il réussi à atteindre les personnes vivant dans la pauvreté en 2023 ?

L’ARC ne fournit aucun renseignement sur la couverture des personnes vivant dans la pauvreté par le PCBMI.  Elle ne fournit pas non plus de renseignements sur la situation des revenus des clients du PCBMI.  Nous ne pouvons donc pas répondre à cette question de manière définitive.

Mais nous pouvons faire une estimation généreuse qui fournit une réponse utile.

Nous commençons par le nombre total de personnes aidées par le PCBMI au cours de la saison de production de déclarations en 2023.  Selon les statistiques de l’ARC, il s’agissait de 758 540 personnes.

Ensuite, nous faisons une hypothèse simplificatrice : nous supposons que tous les clients du PCBMI vivaient sous le seuil de la pauvreté, même si nous savons que ce n’est probablement pas le cas de certains d’entre eux.

Nous examinons ensuite le nombre total d’adultes vivant sous le seuil de pauvreté au Canada en 2022. Ce nombre était de 3 037 000.

Pourquoi 2022 ?  Les bénévoles du PCBMI ont produit les déclarations de revenus et de prestations de 2022 pour les personnes aidées au cours de la saison des impôts 2023.  Ce sont donc les niveaux de revenus de 2022 qui ont été pris en compte pour sélectionner les personnes servis lors la saison des impôts 2023.

Enfin, nous comparons les deux chiffres.  Ceux-ci suggèrent qu’au cours de la saison des impôts 2023, le PCBMI a servi, au mieux, 25 % des personnes vivant dans la pauvreté en 2022.  Encore une fois, nous disons « au mieux » parce que nous présumons généreusement que toutes les personnes recevant des services gratuits du PCBMI vivaient dans la pauvreté, même si nous savons que le PCBMI sert certains clients qui ont de faibles revenus mais qui ne vivent pas, à proprement parler, dans la pauvreté.

Cela signifie que seulement 1 personne sur 4 vivant sous le seuil de pauvreté était desservie par le PCBMI.

Comment cela se compare-t-il aux années précédentes ?

Le pourcentage a fluctué au fil des ans, mais ce qui est frappant, c’est qu’il montre que le PCBMI n’a toujours servi qu’une fraction des personnes vivant dans la pauvreté.

Que faire de ceux qui ne reçoivent pas le service du PCBMI ?

Qu’en est-il de personnes vivant dans la pauvreté en 2022 qui n’ont pas bénéficié de ce service gratuit ?  Soit elles ont produit leur déclaration elles-mêmes, soit elles ont payé quelqu’un d’autre pour le faire, soit elles n’ont tout simplement pas produit leur déclaration.

Malheureusement, il n’y a pas de données disponibles sur ce groupe.

Les personnes vivant dans la pauvreté n’ont souvent pas les moyens de payer pour la production de leur déclaration.  Mais le coût de production d’une déclaration par l’intermédiaire d’un prestataire de services commercial n’est pas le seul problème.  La méconnaissance du PCBMI ou l’accès restreint aux services du PCBMI en raison d’une demande excessive – l’un ou l’autre de ces facteurs peut également expliquer pourquoi une grande partie des Canadiens ne produisent pas de déclaration.

Nous présumons que l’ARC souhaite à la fois réduire le nombre de non-déclarants et éliminer le coût de production d’une déclaration pour ceux qui peuvent le moins se le permettre.  Pourquoi ?  Parce que la production d’une déclaration est nécessaire pour que les personnes vivant dans la pauvreté puissent obtenir et maintenir leur admissibilité aux prestations fondées sur le revenu – qui contribuent à la réduction de la pauvreté – auxquelles elles ont droit.

Par conséquent, un accès plus élargi à un service gratuit est, en principe, souhaitable.  L’une des façons les plus évidentes d’y parvenir est d’étendre le PCBMI.  En effet, dans la Stratégie de réduction de la pauvreté 2018 du gouvernement fédéral, le PCBMI est identifié comme la contribution de l’ARC à la réalisation des objectifs de la stratégie.

Que fait l’ARC à ce sujet ?

Il est difficile de le dire, étant donné les signaux contradictoires qu’elle transmet, mais l’ARC semble faire peu pour développer la capacité du PCBMI afin de relever ce défi.

Le PCBMI a d’abord atteint un pic en 2019, en desservant 741 400 personnes.  Il a chuté de façon spectaculaire en 2020, en raison des restrictions sanitaires liées à la COVID qui ont été imposées à travers le pays.

Introduit en 2021, le projet pilote de subvention de l’ARC visait à faire croître le PCBMI après les mauvais résultats de 2020.  Au lieu de cela, il a simplement contribué à ramener les chiffres du PCBMI au niveau où ils trouvaient juste avant la pandémie de COVID.  Le projet pilote de trois ans a été prolongé d’un an pour inclure une partie de la saison des impôts de 2024 (c.-à-d. le premier semestre de 2024).  À l’heure actuelle, l’ARC n’a donné aucune indication sur l’avenir de son programme de subventions.[v]

Bien que le PCBMI ait souffert pendant la COVID, ses chiffres ont largement rebondi.  Il reste un moyen très efficace de servir les personnes vivant dans la pauvreté à un coût relativement faible.  Rien n’indique qu’il ait atteint les limites de son efficacité.  L’ARC pourrait donc redoubler d’efforts pour élargir de manière significative le PCBMI.  

Toutefois, après la pandémie, l’ARC semble avoir réduit son ambition pour le PCBMI.  L’ARC ne fixe plus d’objectifs pour atteindre davantage de clients et, à l’heure actuelle, on ne sait pas exactement quels sont ses objectifs et ses engagements à l’égard de ce programme.

L’ARC semble plutôt concentrer ses efforts pour servir les Canadiens à faible revenu par le biais de trois autres initiatives : la campagne de lettres sur les prestations pour les non-déclarants, son service automatisé Déclarer simplement par téléphone et le pilotage de la production automatique de déclarations de revenus.  Dans une série d’articles à venir, nous montrerons pourquoi ces initiatives sont actuellement moins prometteuses que le PCBMI pour s’attaquer au problème fondamental qui consiste à aider un plus grand pourcentage de Canadiens démunis à accéder aux prestations auxquelles ils ont droit.


[i] Le taux de pauvreté pour 2023 ne sera disponible qu’au début de 2025.

[ii] Nous nous attendions à cette augmentation lors de la dernière fois que nous avons écrit sur le sujet lors de l’examen des statistiques de la pauvreté pour 2021.

[iii] Voir cet article pour une explication simple de la façon dont le seuil de pauvreté officiel du Canada est dérivé.

[iv] Alors que les plafonds de revenu du PCBMI utilisent le revenu total et que le seuil de pauvreté officiel utilise le revenu disponible, nous expliquons ici pourquoi les deux peuvent être comparés dans ce contexte.

[v] Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de ce programme de subventions, consultez notre article intitulé Qu’est-ce que le projet pilote de subvention de l’ARC a accompli entre 2021 et 2023 ?

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *