9 octobre 2024
Résumé : Dans notre dernier article sur la couverture des démunies au Canada par le PCBMI, nous avons conclu que le PCBMI demeure un programme très efficace pour aider les personnes à revenu faible ou modeste à produire leurs déclarations de revenus et de prestations, et à obtenir ainsi les prestations auxquelles elles ont droit. Nous avons également noté que l’ARC devrait redoubler d’efforts pour élargir le PCBMI étant donné que la plupart des résidents canadiens vivant dans la pauvreté ne bénéficient toujours pas de ce service gratuit.
Pourtant, nous avons constaté qu’après la pandémie, l’ARC semble avoir réduit son ambition pour le PCBMI. L’ARC ne fixe plus de cibles pour atteindre un plus grand nombre de clients et, à l’heure actuelle, on ne sait pas exactement quels sont ses objectifs et ses engagements à l’égard de ce programme.
Au lieu de cela, l’ARC semble concentrer ses efforts pour rejoindre les résidents canadiens à revenus faibles ou modestes par le biais de trois autres initiatives : l’initiative de lettres de prestations pour les non-déclarants, Déclarer simplement par téléphone et le projet pilote de production automatisée des déclarations.
Dans une série de trois articles, nous montrons pourquoi ces trois initiatives sont actuellement moins prometteuses que le PCBMI pour s’attaquer au problème fondamental qui consiste à aider un plus grand pourcentage de résidents canadiens démunies à accéder aux prestations auxquelles ils ont droit.
Dans ce premier article, nous examinons ce que l’ARC appelle son « initiative de lettre de prestations pour les non-déclarants » qu’elle met en œuvre depuis sept ans pour encourager les non-déclarants à produire une déclaration.
Au cours de l’année la plus récente pour laquelle l’ARC a communiqué des résultats, seulement 11,4 % des destinataires de lettres ont ensuite produit une déclaration. Bien que ce chiffre puisse paraître impressionnant, il ne représente que 1,7 % des non-déclarants estimés. En faisant une hypothèse généreuse sur la nature des destinataires des lettres, seulement 1 % des résidents canadiens vivant dans la pauvreté répondent à cette initiative. Ce chiffre est à comparer aux 28 % de personnes desservies par le PCBMI, selon la même hypothèse. (Même dans ce cas, bon nombre de ces destinataires de lettres peuvent bénéficier de l’aide du PCBMI pour produire leurs déclarations.)
De plus, l’ARC suppose, sans preuve, que le simple fait de recevoir une telle lettre et la production subséquente d’une déclaration indiquent un lien de causalité. En d’autres termes, nous pensons que l’ARC est trop généreuse en revendiquant un mérite pour quelque chose qui pourrait très bien se produire de toute façon, même sans qu’aucune lettre n’ait été envoyée.
Malgré tout, l’ARC continue de vanter cet effort minimaliste comme un moyen « efficace » d’inciter les non-déclarants à produire leurs déclarations pour les années antérieures. Il s’agit de la seule initiative de l’ARC liée au service des résidents à revenus modestes et faibles pour laquelle l’ARC établit une cible annuelle dans son Plan ministériel et rend compte des résultats en matière de rendement dans son Rapport sur les résultats ministériels.
Cela contraste avec le PCBMI, qui dessert beaucoup plus de résidents à faibles revenus et le fait de manière plus efficace, mais pour lequel l’ARC n’établit aucune cible annuelle ni des résultats de rendement uniformes dans ses rapports au Parlement.
Comme de nombreux lecteurs le savent déjà, la production d’une déclaration de revenus et de prestations est une étape nécessaire pour obtenir et maintenir l’accès à de nombreuses prestations fédérales et provinciales fondées sur le revenu. Le PCBMI est un service administré par l’Agence du revenu du Canada (ARC) offert gratuitement aux résidents canadiens à revenus modestes afin de faciliter l’accès aux prestations. Des bénévoles travaillant au sein d’organismes communautaires aident ces résidents à remplir et à produire leur déclaration de revenus et de prestations.
Dans notre dernier article sur la couverture des démunies au Canada par le PCBMI, nous avons constaté qu’en 2023, le rendement du PCBMI avait largement rebondi après la forte baisse du service pendant la COVID, que le PCBMI demeure un moyen très efficace d’atteindre les personnes vivant dans la pauvreté à un coût relativement faible et qu’il n’existe aucune preuve suggérant que le PCBMI a atteint ses limites en termes d’efficacité. Étant donné que la plupart des résidents canadiens vivant dans la pauvreté ne bénéficient toujours pas de ce service gratuit, nous avons conclu que l’ARC devrait redoubler d’efforts pour élargir de manière significative le PCBMI.
Pourtant, nous avons constaté qu’après la pandémie, l’ARC semble avoir réduit son ambition pour le PCBMI. L’ARC ne fixe plus de cibles pour atteindre un plus grand nombre de clients et, à l’heure actuelle, on ne sait pas exactement quels sont ses objectifs et ses engagements à l’égard de ce programme.
Au lieu de cela, l’ARC semble concentrer ses efforts pour rejoindre les résidents canadiens à revenus faibles ou modestes par le biais de trois autres initiatives : l’initiative de lettres de prestations pour les non-déclarants, Déclarer simplement par téléphone et le projet pilote de production automatisée des déclarations.
Dans une série de trois articles, nous montrons pourquoi ces trois initiatives sont actuellement moins prometteuses que le PCBMI pour s’attaquer au problème fondamental qui consiste à aider un plus grand pourcentage de résidents canadiens démunies à accéder aux prestations auxquelles ils ont droit.
Initiative de lettre de prestations pour les non-déclarants
Dans ce premier article de notre série, nous examinons ce que l’ARC appelle son initiative de lettre de prestations aux non-déclarants. (La dernière fois que nous avons parlé de cette initiative, c’était ici.) Depuis sept ans, l’ARC utilise cette « intervention » pour encourager les non-déclarants à soumettre une déclaration.
Comment cette initiative fonctionne-t-elle ?
Peu d’informations sont disponibles sur la façon dont ce programme est mis en œuvre. Sur la base des descriptions fournies dans les divers plans ministériels et rapports sur les résultats ministériels de l’ARC, nous savons que l’ARC identifie les résidents canadiens à revenu faible ou modeste qui n’ont pas produit de déclaration au cours de la dernière saison des impôts. L’ARC envoie ensuite des lettres à ces personnes en utilisant l’adresse postale la plus récente figurant dans leur dossier.
Pour ce faire, ces particuliers doivent avoir produit une ou plusieurs déclarations à un moment donné dans le passé et, ce faisant, avoir fourni une adresse postale à l’ARC. Grâce à ces déclarations antérieures et à leurs feuillets T figurant dans sa base de données, l’ARC sait que ces personnes ont des revenus faibles ou modestes.
Les lettres envoyées par l’ARC sont génériques, rappelant au destinataire qu’il n’a pas produit de déclaration pour l’année d’imposition la plus récente et soulignant les avantages qu’il y a à produire une déclaration. L’ARC fait ensuite le suivi du nombre de personnes recevant ces lettres qui produisent une déclaration au cours de la prochaine saison des impôts.
L’ARC mesure le succès de cette initiative en fonction du pourcentage de destinataires de lettres qui finissent par produire une déclaration.
Dans son plan ministériel pour l’exercice 2017-2018, l’ARC a d’abord intégré une cible pour l’initiative de lettres de prestations pour les non-déclarants dans ses indicateurs de rendement clés. (Cela faisait partie des indicateurs pour le programme de prestations, contrairement à l’indicateur de rendement clé du PCBMI qui faisait partie des indicateurs pour le programme fiscal à ce moment-là.) Alors que l’ARC prévoyait que 25 % des destinataires de lettres produiraient une déclaration, seulement 8,1 % d’entre eux l’ont fait au cours de la saison des impôts de 2017. Par la suite, l’ARC a réduit sa cible de rendement à 10 % pour cette initiative.
Quels sont les résultats ?
Avant la saison des impôts 2020, le taux de réponse avoisinait les 10 %. Au cours de la saison des impôts 2020, il a été très difficile d’obtenir de l’aide pour remplir une déclaration en raison des restrictions de santé publique liées à la COVID. Par conséquent, il est possible que certains aient renoncé à produire leur déclaration au cours de la saison des impôts 2020 et aient attendu jusqu’à la saison des impôts 2021 pour remplir leur déclaration de 2019. Cela pourrait expliquer l’augmentation du taux de réponse au cours de la saison des impôts 2021. Lors de la saison des impôts 2022, le taux de réponse est revenu à son niveau historique, avec seulement 11,4 % des destinataires de la lettre qui ont ensuite produit une déclaration.
Cependant, l’impact réel est encore moins impressionnant qu’il n’y paraît à première vue.
Commençons par situer les résultats dans trois contextes plus larges. Premièrement, nous examinons comment ces résultats se comparent au problème global des non-déclarants.
L’objectif de cette initiative est d’encourager les personnes qui sont éligibles à produire une déclaration, mais qui ne l’ont pas fait au cours de la dernière saison des impôts à le faire. Il est donc logique de mesurer l’impact de cette initiative sur l’ensemble des non-déclarants.
Comme le montrent les résultats des sept dernières années, seul un faible pourcentage de non-déclarants reçoit la lettre. Le taux de réponse est donc très faible par rapport à l’ampleur du problème des non-déclarants.
Voyons ensuite comment ces résultats se comparent au nombre total de personnes vivant en situation de pauvreté.
Supposons que tous ceux qui reçoivent la lettre et produisent ensuite une déclaration vivent dans la pauvreté. (Il s’agit d’une hypothèse généreuse, car il est probable que certains des destinataires disposent de revenus modestes.) Quelle est l’ampleur de l’impact ?
Les quatre premières colonnes du tableau ci-dessus montrent que l’impact de cette initiative sur le pourcentage de personnes vivant dans la pauvreté a été très faible.
Enfin, comment cela se compare-t-il aux résultats du PCBMI en utilisant une hypothèse similaire ? Si l’on compare les résultats de la quatrième colonne avec ceux de la sixième colonne du tableau ci-dessus, on constate que le PCBMI atteint une proportion beaucoup plus importante de personnes vivant dans la pauvreté.
Pourtant, on ne peut supposer que les résultats des deux initiatives s’excluent mutuellement. Au contraire, il peut y avoir un chevauchement substantiel. En effet, bon nombre des non-déclarants qui reçoivent ces lettres finissent par bénéficier de l’aide du PCBMI pour produire leur déclaration.
Pourquoi les résultats sont-ils si peu significatifs ?
Tout d’abord, l’ARC a besoin d’une adresse postale à jour pour le non-déclarant. Comme le savent tous les bénévoles du PCBMI qui ont utilisé la fonction Préremplir ma déclaration, l’un des éléments d’information sur le client figurant dans la base de données de l’ARC indique si le courrier de l’ARC adressé au client a été renvoyé à l’Agence sans être livré. Si c’est le cas, cela indique probablement que l’adresse postale que l’ARC a dans ses dossiers pour le client n’est pas la plus récente. Compte tenu des rapports limités de l’ARC sur cette initiative, il n’est pas certain que l’Agence cible ses lettres uniquement sur les personnes pour lesquelles elle dispose d’une adresse postale qui semble toujours valide. Mais nous présumons que l’ARC ne gaspille pas ses efforts en envoyant des lettres aux clients pour lesquels elle semble avoir une ancienne adresse postale non valide. Ainsi, bon nombre de ceux qui n’ont pas produit de déclaration dans le passé, mais pour lesquels l’ARC ne dispose pas d’une adresse postale à jour, ne reçoivent aucune lettre. Cela peut expliquer pourquoi un si faible pourcentage des non-déclarants estimés reçoit la lettre.
Deuxièmement, la lettre de l’ARC met l’accent sur les avantages de produire une déclaration. Cela suppose que l’un des principaux obstacles à la production d’une déclaration est l’ignorance des avantages qu’elle procure. Les résultats des recherches que nous avons précédemment rapportés suggèrent qu’il s’agit d’une hypothèse très discutable. Dans l’un de nos articles précédents sur les non-déclarants, nous avons également examiné une étude commandée par Prospérité Canada sur les principales raisons pour lesquelles les personnes à faible revenu ne produisent pas de déclaration, qui montre que l’ignorance des avantages ne figurait pas parmi les raisons identifiées. La connaissance des services gratuits de préparation des déclarations et l’accès à ces services sont plus importants.
Troisièmement, la lettre de l’ARC n’est pas adaptée aux besoins du destinataire, en ce sens qu’elle ne fournit pas de renseignements précis sur les endroits où le particulier peut obtenir de l’aide localement pour produire sa déclaration. (C’est là qu’il aurait été utile d’inclure une référence à un organisme communautaire local offrant des services gratuits du PCBMI.) Au lieu de cela, le destinataire de la lettre est simplement dirigé vers divers sites Web de l’ARC et un numéro de téléphone 1-800 pour plus de renseignements.
Est-il raisonnable de penser que cela fait une différence ?
Malgré les limites susmentionnées, l’ARC peut-elle encore attribuer le taux de réponse qu’elle a déclaré à l’initiative des lettres de prestations pour les non-déclarants ? Jusqu’à présent, nous avons supposé que les chiffres déclarés par l’ARC pour l’initiative des lettres de prestations des non-déclarants pouvaient être qualifiés de résultats. Mais l’ARC peut-elle même prétendre que certaines personnes produisent leurs déclarations parce qu’elles ont reçu ces lettres ?
L’ARC ne déclare pas le nombre de non-déclarants de la saison des impôts précédente qui n’ont pas reçu de lettre de l’ARC (peut-être parce que l’adresse postale au dossier était connue comme étant erronée), mais qui ont néanmoins produit une déclaration au cours de la prochaine saison des impôts. Un nombre de ce groupe qui se rapproche du nombre de non-déclarants ayant produit une déclaration après la réception de la lettre de l’ARC suggèrerait que la lettre de l’ARC n’est pas un facteur décisif. Un tel résultat saperait la confiance dans le fait que les lettres relatives aux prestations accordés aux non-déclarants jouent un rôle causal. Il s’agirait plutôt d’une simple coïncidence que les destinataires de lettres produisent une déclaration au cours de la prochaine saison des impôts.
En l’absence de toute preuve du contraire, nous sommes très sceptiques quant au fait que la simple corrélation entre la réception d’une telle lettre et la production ultérieure d’une déclaration soit indicative d’un quelconque un lien de causalité. En d’autres termes, nous pensons que l’ARC est trop généreuse en s’attribuant le mérite de quelque chose qui pourrait très bien se produire de toute façon, même en l’absence de toute lettre.
Où cela nous laisse-t-il ?
Malgré les faiblesses inhérentes décrites ci-dessus, l’ARC continue de vanter cet effort minimaliste comme un moyen « efficace » d’amener les non-déclarants à produire leurs déclarations en souffrance. Il s’agit de la seule initiative de l’ARC liée au service des résidents à revenus faibles et modestes pour laquelle l’ARC établit une cible annuelle dans son Plan ministériel et rend compte des résultats en matière de rendement dans son Rapport sur les résultats ministériels.
Cela contraste avec le PCBMI, qui dessert beaucoup plus de résidents à faibles revenus et le fait de manière plus efficace, mais pour lequel l’ARC n’établit aucune cible annuelle ni des résultats de rendement uniformes dans ses rapports au Parlement.
Dans le pire des cas, l’initiative des lettres de prestations pour les non-déclarants détourne l’ARC de mesures plus efficaces pour aider les non-déclarants à produire leurs déclarations en souffrance.
À quoi pourraient ressembler de telles mesures ?
En tant que bénévoles du PCBMI, nous avons produit les déclarations de nombreux clients qui ne l’avaient pas fait depuis un certain temps. Nous faisons la distinction entre ce que nous appelons les « non-déclarants récents » et les « non-déclarants chroniques ». Les non-déclarants récents sont ceux qui n’ont pas produit de déclaration au cours de la dernière saison des impôts (ou peut-être des deux précédentes) que nous appelons les non-déclarants récents. Les non-déclarants chroniques sont des personnes qui n’ont pas produit de déclaration au cours des 5 à 10 dernières années ou qui n’ont jamais pris la peine de produire une déclaration et pour lesquelles l’ARC n’a peut-être pas d’adresse postale à jour.
L’ARC pourrait utiliser le PCBMI de nouvelles façons pour servir ces deux groupes distincts de non-déclarants. Pour en savoir plus à ce sujet, voir nos articles intitulés Comment réduire le nombre de non-déclarants récents en utilisant mieux le PCBMI et Comment réduire le nombre de non-déclarants chroniques en utilisant mieux le PCBMI.