Mieux soutenir les organismes d’accueil – 1ière partie

Le contexte actuel

La Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté identifie le PCBMI comme l’un des programmes du gouvernement fédéral qui contribue à la réalisation des objectifs de la Stratégie.  Le PCBMI est un service gratuit, offert chaque année par des organismes communautaires partout au Canada, dans le cadre de laquelle des bénévoles travaillent avec des clients à revenu faible ou modeste pour remplir et déposer leurs déclarations de revenus et de prestations auprès de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Les individus à revenu faible ou modeste paient relativement peu d’impôts sur leur revenu, mais doivent produire une déclaration annuelle pour accéder et maintenir leur admissibilité à de nombreuses prestations fédérales, provinciales et territoriales.

En 2019, plus de 3 500 de ces organismes communautaires travaillant avec plus de 19 000 bénévoles ont offert des comptoirs d’impôt où ils ont fourni gratuitement le service de préparation de la déclaration à quelque 741 000 clients, ce qui a permis la production de 835 216 déclarations.   En moyenne, chaque organisme d’accueil avait environ cinq bénévoles pour produire 235 déclarations de 208 clients. (Pour plus d’informations sur l’histoire du PCBMI, voir la série suivante d’articles.)

Bien que ce soit les bénévoles qui préparent les déclarations pour les clients, les organismes d’accueil fournissent l’infrastructure communautaire nécessaire pour mettre les bénévoles en contact avec les clients.  Ainsi, les organismes d’accueil sont le pivot des opérations du PCBMI. Au sein de la communauté, ils sont le visage public d’un vaste programme fédéral axé sur la réalisation d’un objectif gouvernemental fondamental : la réduction de la pauvreté.

Qui assume actuellement le coût de la prestation des services gratuits du PCBMI ?

L’ARC serait incapable de fournir le PCBMI dans l’absence de ces organismes d’accueil.  Pourtant, ils ne reçoivent aucun soutien financier de l’ARC qui est responsable du PCBMI. L’ARC n’offre qu’un soutien modeste en nature (sous forme d’ordinateurs portables usagés et de clés USB) à un très petit nombre d’organismes.  C’est très inhabituel.  Nous ne sommes pas au courant d’un autre cas où un programme fédéral de cette envergure est offert au niveau communautaire sans l’appui financier du gouvernement fédéral.

Comment ces organismes d’accueil parviennent-ils alors à offrir ce service en l’absence de financement de l’ARC ?  D’abord et avant tout, ils utilisent leurs propres ressources internes.  Souvent, la responsabilité de l’organisation des comptoirs du PCBMI au sein de l’organisme d’accueil incombe au personnel qui a déjà beaucoup d’autres tâches auxquelles il faut faire face.   (Un coordonnateur des comptoirs du PCBMI nous a dit « Je fais cela à partir du coin libre de mon bureau. »)  Les matériaux et l’équipement ne seront achetés que lorsque les fonds pourront être trouvés dans d’autres budgets de l’organisation.  Essentiellement, donc, la prestation de ce programme fédéral est subventionnée en grande partie par les ressources des organismes communautaires.

Cela entraîne des limites dans la prestation des services du PCBMI.   Par exemple, de nombreux organismes d’accueil n’ont pas les moyens d’offrir des comptoirs en dehors de la période de mars à avril, traditionnellement considérée comme la saison des impôts.  Les comptoirs ne peuvent être ouverts que pendant les heures normales de travail, car de nombreux organismes d’accueil ne sont pas en mesure de payer des heures supplémentaires pour que le personnel puisse travailler le soir ou les fins de semaine.  De même, certains organismes d’accueil ne sont pas en mesure de fournir aux clients une copie papier de leur déclaration parce qu’ils n’ont pas les moyens de fournir des imprimantes.  Très peu d’organismes d’accueil recueillent des données sur leurs comptoirs au-delà du comptage des déclarations produites et de l’estimation des heures travaillées par les bénévoles.

Bien que ces organismes fassent un travail incroyable de gestion des comptoirs PCBMI avec très peu de ressources, cela représente une contrainte importante pour faire des investissements afin d’améliorer l’accès des clients et la qualité du service.  De nombreux organismes d’accueil reconnaissent cette contrainte.

Certains ont tenté de recueillir des fonds auprès de donateurs de bienfaisance pour les aider à assumer les coûts de leurs activités du PCBMI.  Certains des grands organismes ont réussi à le faire, mais ce n’est pas une option pour la plupart des organismes d’accueil.  Bon nombre d’entre eux recueillent déjà des fonds pour leurs fonctions de base, comme la prestation de soins de santé ou le développement communautaire, et veulent concentrer leurs efforts de collecte de fonds sur ces opérations.  D’autres, en particulier les petites organisations, n’ont même pas la capacité d’envisager un programme soutenu de collecte de fonds.

Bien qu’elle ne fournisse pas de soutien financier aux organismes d’accueil, l’ARC est prête à leur donner des conseils sur l’endroit où chercher des fonds.  À notre avis, la perspective que quelque 3 500 organismes lancent tous des campagnes de financement individuelles n’est pas réaliste.

Même si un organisme d’accueil a réussi à obtenir les fonds d’un donateur, ce financement n’a généralement été accordé que pour le court terme puisque la plupart des donateurs veulent que leurs contributions aident à mettre les programmes sur la voie de la viabilité financière ; ils ne veulent pas faire des engagements à long terme pour financer les programmes. Cela a conduit de nombreux organismes d’accueil à investir des efforts disproportionnés par rapport au montant des fonds recueillis ou à abandonner la recherche de fonds pour soutenir ce qui est pour certains organismes un programme non essentiel.

Il ne s’agit pas d’une solution durable pour un organisme d’accueil qui souhaite mettre son service PCBMI sur une base financière sûre.  Il s’agit d’une solution encore moins réaliste pour l’ensemble des 3 500 organismes d’accueil dont dépend actuellement l’ARC.

L’ARC insiste sur le fait que les organismes d’accueil offrent des services du PCCBMI sans frais aux clients.  Paradoxalement, certains organismes d’accueil qui sont à court de ressources facturent à leurs clients du PCBMI des frais modestes pour le service.  L’ARC n’aime pas cela, car elle prétend que les services du PCBMI devraient être offerts gratuitement aux clients.  En principe, cette affirmation est tout à fait logique, mais elle est aveugle à la réalité sur le terrain.  Néanmoins, l’ARC n’insistera pas pour que ces organismes d’accueil cessent de facturer à leurs clients des frais modestes, au risque de les décertifier s’ils ne se conforment pas.  C’est parce que l’ARC se rend compte que, face à une telle menace, bon nombre de ces organismes qui facture des frais fermeraient leurs activités parce qu’ils n’ont pas les moyens d’offrir des services du PCBMI autrement.  Le résultat serait de priver de nombreux clients existants du service.  Par conséquent, l’ARC désapprouve cette pratique, mais ne prend pas de mesures sérieuses pour l’arrêter.

Quelles sont les répercussions de cette méthode de financement ?

Étant donné que de nombreux organismes d’accueil cannibalisent leurs activités internes pour offrir des comptoirs d’impôt gratuits, l’ARC aura du mal à maintenir les services du PCBMI aux niveaux actuels.  À court terme, le service est susceptible de diminuer sous la pression des restrictions de santé publique liées à la COVID qui limitent les organismes d’accueil à offrir des « comptoirs virtuels » du PCBMI, des opérations décidément plus intenses en main-d’œuvre pour le personnel de ces organismes.  À moyen terme, le service demeurera très vulnérable à une réduction de la participation des bénévoles.

Nous croyons que l’ARC doit maintenant élever son jeu pour mettre ce programme sur une base financière durable, et améliorer l’accès et la qualité du service.  L’ARC peut soutenir que l’arrangement actuel l’a bien servi.  En fait, le Rapport sur les résultats ministériels de l’ARC pour l’exercice 17/18 indique que « le PCBMI a été un véritable succès pour l’Agence ».   Comme nous le démontrons ailleurs, l’ARC n’offre aucune preuve à l’appui d’une telle déclaration.

Ce qui a clairement changé, ce sont les fonctions de l’outil principal de l’ARC – la déclaration – traitées par le programme.  Lorsque le PCBMI a été lancé en 1971, la déclaration était utilisée presque exclusivement pour percevoir l’impôt sur le revenu.  Les clients aux revenus faibles et modestes desservis par le PCBMI ne sont pas une importante source de recettes fiscales.  Toutefois, comme nous le notons ailleurs, la déclaration est maintenant utilisée également pour établir l’admissibilité et maintenir l’accès à un large éventail de prestations fédérales, provinciales et territoriales ; ainsi la décision de l’ARC de changer le nom de « déclaration de revenus » à « déclaration de revenus et de prestations ».  Les clients à revenu faible ou modeste maintenant desservis par le PCBMI représentent une importante base bénéficiaire de prestations.

L’ARC doit adopter une nouvelle approche, surtout si elle veut mettre d’avantage l’accent du PCBMI sur les personnes pauvres et à faible revenu comme clientèle cible.  Étant donné le rôle important que la Stratégie de réduction de la pauvreté du gouvernement fédéral attribue au PCBMI pour contribuer à la réalisations des objectifs de la Stratégie, l’ARC ne peut se soustraire à cette responsabilité.  Pour soutenir et améliorer le PCBMI afin de mieux compléter les objectifs de la Stratégie, l’ARC doit accroître son soutien aux organismes d’accueil qui fournissent l’infrastructure au PCBMI.

Lisez la deuxième partie de cette série pour découvrir la première de deux façons dont nous suggérons que l’ARC puisse fournir un soutien.

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