21 janvier 2023
Dans notre premier article publié sur ce site Web, nous avons fait le lien entre la réduction de la pauvreté et le PCBMI. Nous avons noté que le gouvernement fédéral avait lancé sa toute première Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) en 2018. Bien que la stratégie reconnaisse que la pauvreté comporte de nombreuses dimensions, elle utilise ce qu’elle appelle une mesure fondée sur un panier de consommation pour établir le premier seuil officiel de la pauvreté au Canada. Cette ligne est indiquée en termes de revenu annuel. (Dans notre troisième article publié sur ce site Web, nous avons expliqué comment le seuil officiel de pauvreté au Canada est calculé et pourquoi il est important pour le PCBMI.)
Selon le rapport du SRP, en 2015, un Canadien sur huit vivait sous le seuil officiel de la pauvreté fondé sur le revenu. La stratégie a ensuite établi deux cibles temporelles pour mesurer les progrès du gouvernement fédéral en matière de réduction de la pauvreté sous le seuil officiel de pauvreté :
– D’ici 2020, le taux de pauvreté sera réduit de 20 % par rapport à son niveau de 2015 ; et
– D’ici 2030, le taux de pauvreté sera réduit de 50 % par rapport à son niveau de 2015.
Dans quelle mesure le gouvernement fédéral atteint-il ces objectifs? Le Tableau de bord officiel des indicateurs de la pauvreté (ou le tableau de bord) du Canada où Statistique Canada fait le suivi du taux de pauvreté annuel du Canada à l’aide du seuil de pauvreté officiel, en dit long.
Le tableau de bord indique que le taux de pauvreté, qui était de 14,5 % en 2015, avait chuté à 6,4 % en 2020. Ce taux est bien inférieur au taux cible de réduction de 20 % par rapport à son niveau de 2015, qui serait de 11,6 %. En fait, il est inférieur au taux cible de réduction de 50% par rapport à son niveau de 2015, qui serait de 7,25%. Cela donne à penser que le gouvernement avait atteint son objectif de réduction de la pauvreté en 2030 dix ans plus tôt que prévu!
Pourtant, le taux de pauvreté de 6,4 % annoncé en mars 2022 était fondé sur les chiffres du Recensement de 2016. En novembre 2022, Statistique Canada a publié un document intitulé « Tendances désagrégées en matière de pauvreté tirées du Recensement de la population de 2021 ». À partir des chiffres du Recensement de 2021, ce document établit que le taux de pauvreté était en fait de 8,1% en 2020. Bien qu’il soit considérablement plus élevé que le chiffre de 6,4% initialement publié en mars 2022, il reste inférieur de 3,5% à l’objectif de taux de pauvreté de 11,6% fixé par le SRP pour 2020.
Toutefois, cette réalisation sera probablement de courte durée pour deux raisons.
Premièrement, 2020 a été une année exceptionnelle à bien des égards, en grande partie en raison de la pandémie de COVID. En réponse aux restrictions en matière de santé publique qui ont considérablement réduit l’activité économique, le gouvernement fédéral a instauré un grand nombre de prestations liées à la pandémie qui ont soutenu les travailleurs à faible revenu qui avaient perdu leur emploi en raison de la fermeture liée à la pandémie.
« Les baisses du taux de pauvreté s’expliquent par l’augmentation des transferts gouvernementaux en 2020, dont l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) améliorée et les prestations temporaires liées à la pandémie … les prestations liées à la COVID-19 ont contribué à compenser la perte de revenu d’emploi au cours de la première année de la pandémie, ce qui a augmenté le revenu après impôt des ménages et réduit l’inégalité des revenus et la proportion de la population dans une situation de faible revenu. »
Statistique Canada, Tendances désagrégées en matière de pauvreté tirées du Recensement de la population de 2021
Bon nombre de ces prestations ont été maintenus en 2021, alors que l’économie canadienne commençait lentement à se redresser. Statistique Canada publiera le taux de pauvreté pour 2021 en mars 2023. Toutes choses étant égales par ailleurs, le taux de pauvreté pour 2021 devrait être à peu près le même ou légèrement plus élevé, tout en restant dans les limites de l’objectif fixé dans la SRP pour 2020.
L’année 2022 a vu la réouverture d’une grande partie du reste de l’économie canadienne. Cette réouverture a mis fin aux prestations restantes liées à la pandémie qui ont contribué à maintenir le faible taux de pauvreté en 2020. Pour cette seule raison, nous nous attendons à ce que le taux de pauvreté augmente en 2022.
Mais il y a une deuxième raison pour laquelle le taux de pauvreté est susceptible d’augmenter en 2022. Le taux d’inflation des prix a augmenté en 2022 pour atteindre des niveaux jamais vus depuis de nombreuses années. (C’était vrai à l’échelle mondiale, pas seulement au Canada.) L’inflation des prix a une incidence disproportionnée sur les personnes à faible revenu, réduisant leur pouvoir d’achat. Comme les membres de ce groupe vivent de revenus fixes ou de bas salaires qui n’augmentent pas aussi rapidement que l’inflation, ce groupe est le moins en mesure de s’adapter rapidement à l’évolution des prix. (De nombreux rapports à travers le Canada sur l’utilisation accrue des banques alimentaires fournissent des preuves anecdotiques confirmant des difficultés économiques croissantes au Canada en 2022.) Nous devrons attendre jusqu’en mars 2024 pour que Statistique Canada publie ses données sur la pauvreté pour 2022 afin de voir si elles confirment ou non notre prédiction.
Bien que les données pour 2022 ne soient publiées qu’au début de 2024, les répercussions sur le PCBMI seront plus évidentes immédiatement. Au fur et à mesure que le taux de pauvreté a augmenté en 2022, un plus grand nombre de résidents sont devenus admissibles aux prestations des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux qui sont fondées sur le revenu. Et les bénéficiaires actuels de ces prestations sont devenus encore plus dépendants des montants de prestations qu’ils reçoivent. Étant donné que la production d’une déclaration de revenus et de prestations à jour est une condition pour recevoir un grand nombre de ces prestations, le gouvernement fédéral sera désireux de faciliter la production à nouveau en 2023 pour maintenir ces prestations.
Le SRP reconnaît le PCBMI, une porte d’entrée permettant aux résidents à faible revenu d’avoir accès à ces prestations, comme un programme gouvernemental clé contribuant à la réduction de la pauvreté. Mais le PCBMI sera-t-il prêt à offrir ce service au cours de la saison 2023 à une clientèle en expansion?
Les chiffres les plus récents pour le PCBMI montrent, à tout le moins, que l’ARC aura de la difficulté à le faire. En 2022, le PCBMI n’a servi que 77,6 % de la clientèle qu’il avait desservie pendant la période des impôts de 2019. (Bien que l’ARC puisse indiquer que la COVID est la raison du mauvais rendement du PCBMI en 2020, le PCBMI n’a pas fait mieux en 2022 qu’en 2021.) Les chiffres reflètent les contraintes en matière de capacité. Bien que le nombre d’organismes d’accueil qui offrent des comptoirs du PCBMI ait partiellement rebondi après le déclin qui a suivi le sommet de la période des impôts de 2019, le nombre de bénévoles a diminué et ne montre aucun signe de croissance.
Malgré le quadruplement de son budget du PCBMI au cours des dernières années, l’ARC semble faire peu pour remédier de façon significative à cette contrainte de capacité. Elle semble s’appuyer principalement sur un programme pilote de subventions qu’elle a introduit en 2020, après la période de pointe du PCBMI de 2019. Bien qu’elle vise à accroître la capacité du PCBMI sur une période de trois ans, les deux premières années de cette opération de subvention ont produit des résultats décevants au sein du PCBMI, en partie en raison du faible financement offert dans le cadre du programme pilote.
Par conséquent, de nombreuses personnes à faible revenu qui sont admissibles à ce service en 2023 devront probablement se tourner vers les préparateurs de déclarations commerciales pour produire leur déclaration en temps opportun. D’autres déposeront leur déclaration en retard, risquant des interruptions dans le flux de leurs prestations.